🎮 The Legend of Heroes: Trails from Zero

Dire que j’ai aimé la duologie Trails from Zero / Trails to Azure serait un euphémisme. Après avoir fini d’enchaîner les deux jeux à la suite une première fois, j’ai mis de côté cet article une multitude de fois car je ne savais pas par quel bout commencer. En fait, cet article a tellement été mis de côté que depuis, j’ai eu le temps de recommencer TROIS FOIS le premier jeu¹, et me suis donc résigné à ne pas faire un article commun aux deux jeux, mais faire un article par jeu…

L’héritage

L’existence même de cette duologie est un peu étrange. Originellement, à la suite de la trilogie Liberl, la série était supposée se mouvoir dans la région d’Erebonia, qui avait été une source de conflits frontaliers, et qui serait au coeur des cinq(!) jeux² qui ont suivi. A la place, probablement dû au portage des jeux sur la PlayStation Portable de Sony, Nihon Falcom a repris le moteur, l’a un peu amélioré, et a sorti deux jeux se basant sur la nation autonome de Crossbell, sorte de Monaco local composé de la capitale éponyme et de petits hameaux autour, qui avait été vaguement évoquée par le passé.

Cette fois-ci, nos héros ne sont plus des bracers, mais membres d’une nouvelle unité de la force policière locale (montée pour faire concurrence aux bracers…). Ainsi, les quêtes secondaires ne donennt plus de “Bracer Points” mais des “Detective Points”. En dehors de ce changement de statut légal, on retrouve vite nos marques dans un jeu qui sait emprunter à son prédécesseur sans jamais sonner comme une redite.

Là où Trails In The Sky FC se déroulait sans pause³, Zero n’hésite pas à prendre son temps: excepté le chapitre final qui se déroule cinq minutes après la fin du quatrième chapitre, les chapitres sont tous séparés d’une durée pouvant aller d’une semaine à quelques mois. Les chapitres eux-mêmes sont découpés en plusieurs jours, très linéaires, à la fin desquels il faudra retourner à la maison dormir. Si vous connaissez la série Persona⁴, ne vous pensez pas en territoire connu, ces “jours” ne sont là que pour rythmer l’action mais en dehors des quêtes secondaires, vous n’êtes pas libre de vos actions, et le temps n’avancera qu’avec votre enquête principale du chapitre.

Le corps

Ici, il n’est plus de “Royaume de Liberl”. La “Province Autonome de Crossbell” est un carrefour commercial enclavé entre “l’Empire d’Erebonia” et la “République de Calvard” et en reparler me rappelle la description de Berlin-Ouest par ma prof d’Allemand: “Lorsque la ville a été coupée en deux, les autorités ont dû améliorer les conditions de vie des habitants pour leur loisirs, c’est pour cela que la ville compte beaucoup de parcs”. Le design de la province de Crossbell rappelle cette idée: nous ne sommes pas juste face à “une ville et une auberge” mais un véritable ensemble qui paraît vivant: une ville, un parc d’attraction, un hopital universitaire, des industries primaires (un village minier et un village fermier), une banque internationale, des chemins de fer,…

De même, l’action se cantonnant à ce cadre restreint et l’aspect exploration pouvant paraître un peu faible, les relations avec les habitants prennent toutes du sens. La moitié de notre quatuor de départ étant originaire de cette région, les habitants les connaissent déjà, et toutes les relations avancent avec la plus grande des évidences. Par exemple, juste avant le second chapitre (le 3ème si on inclut le prologue), on peut voir une courte scène où nos quatres personnages principaux vaquent chacun à leurs occupations sur leur temps libre, et ces scènes ne reflètent que l’évidence totale de leur intégration au sein de la ville.

Comme dans les précédents opus, l’environnement paraît à nouveau totalement vivant: certaines quêtes ne sont disponibles qu’à un instant précis, certains évènements ne se déroulent que d’une manière spécifique, certains commentaires n’arriveront que dans certaines circonstances,…

Le coeur

Dans la première séquence du jeu Final Fantasy XV, les quatre héros s’abritent derrière une statue pour se protéger d’une attaque de feu. En plus d’être un plan magnifique, l’intelligence de la mise en scène permet immédiatement de connaître les rôles et relations des quatres personnages. Le plus musclé est Gladiolus, garde royal, et on peut le voir entourer le quatuor de son corps imposant, son dos faisant rempart aux flammes. Ensuite vient Ignis, conseiller royal, son corps fait suite à celui du garde pour protéger les membres plus vulnérables du groupe. La dernière pierre est Prompto, le meilleur ami, il sait se battre et n’a pas de rôle officiel, mais est protégé par les plus puissants, et sert aussi de rempart. Enfin, Noctis, le héros principal, littéralement un Prince, celui qu’il faut protéger, est au plus près de la statue, surmonté par ses trois amis qui connaissent leurs rôles et sont prêts à donner leurs vies pour lui. La manière dont ces quatre personnages interagissent, personnellement ou en groupe, suit toujours une logique.

Dans Trails from Zero, la constitution du quatuor jouable est similaire: Lloyd⁵ vient de finir l’académie policière, il est le chef, conduit l’intrigue, et il passe son jour de repos avec sa famille. Elie est la petite-fille du maire et a suivi une formation accélérée, elle est celle qui a les contacts et peut comprendre (et expliquer au joueur) les ramifications politiques de l’intrigue, et elle passe son temps libre à la Mairie. Randy est le bon vivant, discrètement écarté de l’armée locale, il passe son temps libre au casino ou à boire, il est le grand frère du groupe. Enfin, Tio est la benjamine, officiellement en test d’une nouvelle technologie, hackeuse informatique, son statut de “petite” n’est jamais utilisé à outrance⁶, et elle passe son temps libre…à jouer à des jeux en ligne. Enfin un cinquième personnage les rejoindra, prendra le vrai rôle de “petite soeur du groupe” et un chapitre entier du jeu lui sera dédié, ainsi qu’aux liens qu’elle construit avec les personnages principaux et secondaires.

Estelle et Joshua de la première trilogie seront aussi de retour, dans une fonction de caméo très intéressante lorsque la raison réelle de celle-ci sera dévoilée plus en détails dans le prochain jeu.

Enfin, tout au long du jeu, le joueur pourra aussi décider de la manière dont Lloyd se rapprochera de ses camarades, culminant dans un moment personnel fort avec chacun de ses trois camarades, liés à l’évolution de la relation construite avec chacun d’eux.

L’évolution

La version “Evolution” de ce jeu étant sortie avant celles de la trilogie Liberl, celle-ci manque d’un élément nécessaire pour ce genre de jeu: le fast-forward des combats⁷. De fait, j’ai préféré jouer à la version de ce jeu sortie sur console Switch, qui est la plus “valable” à ce jour, tant les ressorties du jeu original sont une boule de noeuds étrange…

La suite

Lorsque j’ai réfléchi à écrire cet article, mes premières pensées allaient vers l’intelligence du monde construit par Falcom, comment certains éléments qui étaient à peine évoqués dans ce jeu et qui prenaient tout leur sens dans le suivant. En réalité, de la même manière qu’avec FCet SC, nous sommes à nouveau face à un jeu énorme découpé en deux, le premier étant une version “light”, tant le second me paraît colossal, mais le premier arrive toujours à tenir seul sur ses deux pieds, tel un pilote de série qui introduit un monde tout en concluant proprement son intrigue.

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1. Une première run classique, une run “Nightmare”, une run “low-level”, et une run facile, tout en prenant soin d’obtenir tous les trophées de relation entre les personnages principaux. ↩︎

2. Les quatres jeux de la saga Trails of Cold Steel, ainsi que Trails into Reverie. ↩︎

3. La seule ellipse mémorable consiste à nous épargner le temps que nos personnages passent à préparer le spectacle de l’Académie où ils s’arrêtent pour aider Kloé. ↩︎

4. Les jeux de la série Persona à partir du 3ème opus fonctionnent sur un système de calendrier où chaque jour est une opportunité pour le joueur de décider de ses activités, ce qui l’amènera à avancer dans le scénario de la manière qui lui plait. ↩︎

5. Il existe un pêcheur lui nommé “Lloyd” dans la trilogie Liberl, il sera évoqué par Estelle lorsqu’elle rencontrera ce Lloyd-ci, et les deux Lloyd pourront se rencontrer lors d’un tournoi de pêche. ↩︎

6. Techniquement, Tio est le personnage le plus fort du jeu. ↩︎

7. La fonction fast-forward permet au joueur d’appuyer sur un bouton pour accélérer le passage du temps, passant plus rapidement des dialogues ou des séquences de combat. ↩︎