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📚 Pays de neige

À trois reprises, Shimamura se retire dans une petite station thermale, au coeur des montagnes, pour y vivre un amour fou en mĂȘme temps qu’une purification. Chaque image a un sens, l’empire des signes se rĂ©vĂšle Ă  la fois net et suggĂ©rĂ©. Le spectacle des bois d’érable Ă  l’approche de l’automne dĂ©signe Ă  l’homme sa propre fragilitĂ©.

AprĂšs avoir dĂ©couvert “Histoires d’O” Ă  travers la vision de Mona Chollet, petit retour au pays du soleil levant pour dĂ©couvrir un auteur nobelisĂ©. MalgrĂ© ce que j’ai cru durant ma lecture, ce roman spĂ©cifique n’a pas Ă©tĂ© nobĂ©lisĂ©. Fort heureusement!

Mens Sana


Dire que j’ai eu du mal avec ce livre serait un euphĂ©misme.

Peut-ĂȘtre est-ce la proximitĂ© avec ma lecture d’un ouvrage fĂ©ministe qui a ouvert mes yeux Ă  des pratiques patriarcales inacceptables? Toujours est-il que tout l’auto-centrisme de l’homme qui existe et prend l’espace, tandis que les femmes ne sont plus que des accessoires.

Ainsi, la deutĂ©ragoniste-slash-love-interest n’est que “la geisha” pendant deux chapitres, avant qu’enfin le protagoniste ne s’intĂ©resse Ă  son nom (“Komako”) et le communique au lecteur. De mĂȘme, tandis que les pensĂ©es du protagoniste nous sont communiquĂ©es, inutile d’espĂ©rer en apprendre trop sur “Komako”, elle n’est qu’une suite de mimiques que l’on observe, comme un animal sauvage qui s’agite dans son enclos.

Aux deux-tiers du livre, alors que le protagoniste revient au “pays de neige” pour son troisiĂšme sĂ©jour, la narration mentionne enfin clairement sa femme, qui a eu la gentillesse de le conseiller sur l’entretien de ses sous-vĂȘtements. Ne cherchez pas son nom, il n’est pas donnĂ© dans le livre, et sa premiĂšre mention dans le livre Ă©tait une passade que j’ai cru ĂȘtre une erreur de traduction, tant j’étais Ă©tonnĂ© de la nonchalance avec laquelle cet homme qui voyait rĂ©guliĂšrement une geisha, tout en dĂ©sirant sĂ©duire une amie Ă  elle, Ă©tait en rĂ©alitĂ© mariĂ©.

Depuis le temps qu’il prolongeait son sĂ©jour, on pouvait bien se demander s’il avait oubliĂ© sa femme et ses enfants. ―Pays de Neige, Yasunari Kawabata, Ă©d. Livre de Poche

Enfin, Ă  trente pages de la fin, la narration nous rappelle que le protagoniste a une famille qu’il abandonne pour profiter de l’automne dans des sources chaudes en galante compagnie. En soi, si l’on peut trouver une certaine romance dans l’idĂ©e d’une personne qui fuit le carcan d’une vie familiale pour trouver l’amour ailleurs1, mais cette idĂ©e s’effrite lorsque le lecteur attentif se rappelle que vingt pages plus tĂŽt, le protagoniste Ă©tait troublĂ© Ă  l’idĂ©e que Komako puisse “[mettre] au monde les enfants d’un autre pĂšre que lui”. N’essayez pas de vous rappeler du nom de ses enfants, ceux-ci n’en ont pas: pour le protagoniste (et l’écrivain?), ils ne sont au final que des accessoires permettant d’affirmer sa conquĂȘte de la gent fĂ©minine



in Japonais Sano

Une fois tout ce vernis masculiniste Ă©caillĂ©, il reste la description d’une rĂ©gion reculĂ©e du Japon, et ses habitudes Ă  l’approche de l’hiver. Un chapitre entier est dĂ©diĂ© au Chijimi2, une technique de tissage du chanvre.

C’est joli, ça donne envie de voyager, mais il n’y a vraiment que peu d’intĂ©rĂȘt Ă  lire cette histoire.


  1. Et ce n’est pas le cas dans ce livre: le protagoniste a plus de mots d’amour envers une autre femme qui accompagne Komako, qu’envers celle-ci
 ↩︎

  2. Ojiya-chijimi ↩︎

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