🎼 Yakuza 0

Dans la communautĂ© Yakuza, la question qui revient le plus souvent est “Par quel Ă©pisode commencer?”. En effet, aprĂšs l’épisode 5, les dĂ©veloppeurs ont eu la bonne idĂ©e de sortir un Ă©pisode “ZĂ©ro”1, qui est donc le premier Ă©pisode chronologique, mais le sixiĂšme sorti, se dĂ©roulant quinze ans avant le premier Ă©pisode.

J’hĂ©sitais aussi, puis, ayant dĂ©jĂ  fini le premier Ă©pisode, j’ai dĂ©cidĂ© de (re)commencer par l’épisode ZĂ©ro.

Le Conte de deux cités

Bienvenue en 1988! Le Japon est en pleine bulle spĂ©culative, et l’argent coule Ă  flot, pour les entrepreneurs comme pour les yakuzas. Au pluriel, car cet Ă©pisode nous fera en suivre deux: le (trĂšs connu) Kiryu Kazuma, et le tout autant plĂ©biscitĂ© Goro Majima, qui n’était qu’un personnage secondaire du premier jeu. Sans se rencontrer, les deux vont se retrouver mĂȘlĂ©s Ă  la mĂȘme affaire et, au cours des seize chapitres du jeu, le joueur alternera tous les deux chapitres le contrĂŽle entre l’un ou l’autre de ces criminels au grand coeur.

CĂŽtĂ© Kiryu, Ă  Kamurocho2, un meurtre a Ă©tĂ© commis dans un petit lopin de terre au milieu du quartier, que la pĂšgre aimerait s’approprier car il est au centre d’un grand projet de dĂ©veloppement (que l’on dĂ©couvrira donc dans Yakuza premier du nom).

CĂŽtĂ© Majima, Ă  Sotenbori3, tandis que le yakuza en disgrĂące repaye sa dette en tenant un cabaret, on lui offre de se racheter auprĂšs de son clan, s’il accepte de commettre un meurtre.

Petit apartĂ© sur Majima: je n’ai jamais Ă©tĂ© “fan” du personnage, alors qu’il est sĂ»rement le second personnage le plus apprĂ©ciĂ© des fans de la sĂ©rie. Je n’ai aucune “haine” envers lui non plus, mais je ne comprends pas le focus qui est fait sur sa personne, alors que son rĂŽle Ă©tait trĂšs secondaire dans le premier Ă©pisode: son intĂ©rĂȘt narratif Ă©tait juste de montrer que si Kiryu Ă©tait un “yakuza au grand coeur”, des criminels plus endurcis et sans limites existaient aussi. Le Majima que l’on retrouve ici a bien plus de profondeur et une Ă©criture plus complexe qui le rend assez apprĂ©ciable pour que l’incarner ne devienne pas une gageure.

À noter aussi: un personnage secondaire dans le scĂ©nario de Kiryu a le visage de Brad Pitt.

Au-delĂ  de cette histoire scindĂ©e en deux facettes, et malgrĂ© que l’on sache Ă  peu prĂšs “oĂč” cette histoire va se terminer, vu la position de nos deux hĂ©ros lorsque viendra le premier Ă©pisode, le joueur pourra prendre du plaisir Ă  dĂ©couvrir ce Japon “clinquant”, loin de l’aspect presque dĂ©clinant qui habite la suite de sĂ©rie: ici, les yakuzas sont Ă  leur apogĂ©e, ne craignent pas la police et toutes les familles nagent dans le fric.

Le fric c’est chic

Le blĂ©, parlons-en. Afin de se dĂ©marquer Ă  peu prĂšs des autres jeux, et appuyer l’omniprĂ©sence du fric dans cette Ă©poque, tout se base sur l’argent. Les points d’expĂ©rience, d’évolution,
? Oubliez tout ça. Si vous frappez un ennemi, il fera tomber du FRIC, des BILLETS, plein de GROS BIFTONS, toujours plus de MOULA!

Et forcĂ©ment, s’il n’y a plus de points d’expĂ©rience, c’est ce mĂȘme butin qui servira Ă  payer vos niveaux, vos amĂ©liorations de stats, les nouvelles techniques de combat,
 C’est un systĂšme totalement grotesque qui appuie encore plus l’incongruitĂ© de ce monde oĂč l’argent Ă©tait roi.

D’ailleurs, le contenu secondaire suit la mouvance: pour se faire de l’argent de poche, Kiryu se lancera dans l’immobilier et rachùtera à peu prùs tout le quartier4, tandis que Majima ouvrira des bars à hîtesses et faire couler le champagne pour les clients5.

Sur la fin du jeu, les montants nĂ©cessaires pour augmenter les stats sont aussi ridicules que ceux que vous pourrez rĂ©cupĂ©rer en affrontant certains ennemis dans la rue, sans parler de l’argent nĂ©cessaire Ă  certaines quĂȘtes annexes comme les courses de petites voitures, qui nĂ©cessiteront de dĂ©penser le PIB d’un pays du tiers-monde pour les derniĂšres courses. C’est ça aussi le plaisir de Yakuza: voir le sĂ©rieux avec lequel mĂȘme le plus simple des hobbys peut ĂȘtre pris.

Le couloir de la baston

Car oui, on est dans Yakuza, il va falloir se bastonner! Si le Kiryu originel n’avait qu’un style de combat, ici, nos deux protagonistes auront chacun droit Ă  leurs quatre types de combat. Kiryu aura droit “Brawler”, pour de la baston gĂ©nĂ©rale, “Rush”, inspirĂ© par le kickboxing pour attaquer avec vitesse, “Beast”, pour tabasser avec force, avant de dĂ©bloquer le style qui fera son surnom: “Dragon of Dojima”.

Majima aura droit Ă  des styles similaires: “Thug” pour la baston gĂ©nĂ©rale, “Slugger” pour donner de puissant coups de batte de baseball, et “Breaker” pour un style de breakdance rapide, avant de dĂ©bloquer le style qui fera son surnom: “Mad Dog of Shimano”.

Les styles se changent Ă  la volĂ©e de maniĂšre trĂšs simple, permettant vite de s’adapter Ă  chaque affrontement, mĂȘme si en rĂ©alitĂ©, seuls certains affrontements annexes seront un obstacle pour le joueur, tandis que le scĂ©nario proposera des combats trĂšs cinĂ©matiques, mais qui offriront peu de difficultĂ© rĂ©elle.

Fonctionnant Ă  peu prĂšs comme un best-of de ce que la sĂ©rie avait proposĂ© jusque-lĂ , difficile de ne pas qualifier ce jeu de “parfait”. On pourrait dĂ©plorer que l’histoire se scinde en deux lignes parallĂšles6, ou que les rĂ©vĂ©lations du scĂ©nario manquent de “punch”, mais l’intrigue est assez bien menĂ©e pour que ces deux morceaux tiennent totalement la route, et mĂȘme si l’on doit toujours retenir les schĂ©mas hiĂ©rarchiques des familles, ça reste toujours simple Ă  suivre. Peut-ĂȘtre n’est-ce donc pas le meilleur Ă©pisode pour dĂ©couvrir la sĂ©rie, car tout ce qui vient aprĂšs pourrait paraĂźtre fade.


  1. La question devient encore plus Ă©pineuse lorsque l’on demande par quelle VERSION des Ă©pisodes commencer
 ↩︎

  2. Quartier fictif inspirĂ© du quartier chaud de Kabukichƍ Ă  Tokyo. ↩︎

  3. Quartier fictif inspirĂ© du quartier chaud de Dƍtonbori Ă  Osaka. ↩︎

  4. Une belle dissonance ludo-narrative, vu que sa part de l’intrigue du jeu repose sur un lopin de deux mĂštres sur trois que personne ne peut racheter
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  5. Une autre dissonance ludo-narrative, vu que sa part de l’intrigue du jeu repose sur une dette qu’il doit rembourser Ă  ses supĂ©rieurs pour ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ© au clan. ↩︎

  6. Tellement parallĂšle que mĂȘme lorsque l’intrigue amĂšne Kiryu Ă  visiter Sotenbori, c’est prĂ©cisĂ©ment au moment oĂč Majima visite Kamurocho
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