Post

🎬 Touch

Je ne savais pas Ă  quoi m’attendre en allant voir ce film, j’avais juste Ă©tĂ© prĂ©venu que ça parlait d’amour, et que ça partait au Japon. Il y en avait bien plus, et c’était parfois trop.

Lenteur et des vacances

ArrĂȘtez-moi si vous connaissez cette histoire: un couple qui se rencontre “jeunes”, s’aime, sont sĂ©parĂ©s par la vie, et au crĂ©puscule de la vie, se retrouvent pour s’aimer Ă  nouveau. Ici, ça dure soixante ans. Soixante putains d’annĂ©es, franchement, j’ai vraiment du mal Ă  y croire et Ă  rentrer dedans. Plus encore venant d’une personne qui a Ă©tĂ© mariĂ©e, et a vraiment reconstruit sa vie.

Donc, c’est lĂ  toute l’histoire: en 1960, KristĂłfer, un Islandais, et Miko, une Japonaise, se rencontrent Ă  Londres, elle disparaĂźt sans laisser d’adresse, et soixante ans plus tard, il retourne la chercher. L’aventure ne devrait durer que dix minutes, alors elle sera agrĂ©mentĂ©e de flashbacks qui permettront de comprendre les tenants et aboutissants de ce passĂ© qu’il poursuit.

Le film prend son temps, vraiment. Ma premiĂšre pensĂ©e, lors des cinq premiĂšres minutes, a Ă©tĂ© que je devrais demander Ă  ChatGPT de m’expliquer l’intĂ©rĂȘt, au-delĂ  de l’exercice du “show don’t tell”, d’utiliser des plans aussi lents pour poser la solitude d’un personnage: tout le reste du film s’accorde Ă  enfoncer ce trait de personnalitĂ©, alors pourquoi? Tout ce qui me revenait en tĂȘte, c’était de me demander: “Que ferait Steven Spielberg?”1.

Des histoires dans l’histoire

Au bout d’un moment, des Ă©lĂ©ments sont lĂąchĂ©s, presque sortis de nulle part tant j’ai l’impression qu’ils sont en trop dans l’intrigue. En fait, pour moi, le film se suffit en tant que cette seule aventure de la recherche de l’amour passĂ©.

Surprise: l’histoire se dĂ©roule en 2020, pendant la pandĂ©mie de COVID-19. Mais pas d’inquiĂ©tude, Ă  part faire porter un masque au personnage principal, ce contexte n’aura aucun impact sur l’intrigue, pas mĂȘme la fermeture des frontiĂšres (surtout celles du Japon!). Je lis souvent que dans une histoire, il faut s’assurer du parcours des personnages, et surtout de leurs obstacles. Rien de tout cela: le COVID n’est PAS un obstacle dans cette histoire, juste un contexte aussi simpliste que “Au fait, Taylor Swift sort un nouvel album” qui ferait apparaĂźtre une pub dans chaque plan. Je n’y ai rien compris, et ça m’a bien Ă©nervĂ©.

Ensuite, la relation de KristĂłfer Ă  la fille de son ex-femme. Ses appels ponctuent la moitiĂ© du film, et il esquive chaque sonnerie, trop occupĂ© par sa propre quĂȘte. Le film le prĂ©sente comme un pĂšre de substitution pour elle, leur relation devrait donc avoir quelque chose d’assez stable et dĂ©fini, mais ce n’est pas le cas: il ignore ses appels, n’écoute pas son inquiĂ©tude, oublie son anniversaire,
 LĂ  encore, on est sur une histoire qui ne raconte rien. Le personnage n’apparaĂźt mĂȘme pas Ă  l’écran, au-delĂ  de son nom sur l’écran du tĂ©lĂ©phone


Retour Ă  Hiroshima

À la moitiĂ© du film, le couperet tombe: toute l’intrigue tourne autour d’Hiroshima. La mĂšre de Miko a survĂ©cu Ă  la bombe avant de lui donner la vie, faisant d’elle aussi une survivante d’Hiroshima: une Hibakusha. Toute l’intrigue tournera donc autour des Hibakushas, et du stigmate qui leur est associĂ©: l’amour impossible, le dĂ©part de Miko,


MĂȘme si le propos est clair, bien Ă©tabli, retombe sur ses pattes,
 Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai vraiment eu du mal Ă  “l’accepter”. Peut-ĂȘtre car le film est intĂ©gralement racontĂ© du point de vue de KristĂłfer, alors tout le vĂ©cu de Miko semble plus relever de l’excuse que de l’histoire: on aurait pu remplacer tout ce pan de sa vie par autre chose, et l’histoire aurait Ă©tĂ© la mĂȘme.

À la fin du film, Miko est retrouvĂ©e, et les deux personnages peuvent enfin se parler, aprĂšs soixante ans. Lorsqu’à ce moment-lĂ , Miko peut enfin utiliser sa propre voix pour parler de son existence et des difficultĂ©s de celle-ci, tout le propos sur les Hibakushas gagne la lĂ©gitimitĂ© qui lui manquait jusque-lĂ  et le film redevient acceptable. La fin est douce-amĂšre et l’on se demandera Ă  quoi a servi cette histoire, alors on se consolera en pensant aux jolis paysages que l’on a vus, entre l’Islande, Londres, et Hiroshima



  1. Un chef-d’oeuvre, bien sĂ»r! ↩︎

This post is licensed under CC BY 4.0 by the author.