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đŸ“ș Kamen Rider Kuuga

Au Japon, Kamen Rider est une institution tĂ©lĂ©visĂ©e dont notre Ă©quivalence locale la plus proche pourrait ĂȘtre retrouvĂ©e dans nos bonnes vieilles sĂ©ries policiĂšres comme Julie Lescaut ou Les Cordier, juge et flic. Mais aucune de ces deux sĂ©ries n’existe depuis 1971, annĂ©e Ă  laquelle Shƍtarƍ Ishinomori, le second pĂšre du manga1 est mandatĂ© par la Toei pour crĂ©er un hĂ©ros masquĂ©. InspirĂ© par Skull Man, un prĂ©cĂ©dent concept, ce sera Kamen Rider: un hĂ©ros masquĂ© (le terme ă€Œä»źéąKamen」 signifie “Masque”), Ă  moto, dans une armure aux motifs de sauterelle, et ses premiers ennemis seront des nazis.

La premiĂšre sĂ©rie met en scĂšne Takeshi Hongo, jouĂ© par Hiroshi Fujioka. Une blessure mettra le rider hors d’état de sauver la veuve et l’orphelin, et un second rider prendra sa place, un motif qui deviendra trĂšs vite rĂ©current, avec de nouvelles sĂ©ries annuelles mettant chacune en scĂšne un nouveau hĂ©ros, et parfois et de nouveaux ennemis.

Peu Ă  peu, la popularitĂ© s’affaiblit, et si des films et des cross-overs sortent toujours, les annĂ©es 90 ne voient plus sortir la moindre sĂ©rie, et aprĂšs un dernier film en 94, il n’y a plus de Kamen Rider sur les Ă©crans Japonais, et avec lui, de ce que l’on appellera communĂ©ment “la pĂ©riode Shƍwa de Kamen Rider”2. MĂȘme si l’ùre Heisei commence en 1989, ce n’est qu’en 1997 que le projet de retour de Kamen Rider sera entamĂ©, toujours avec la participation de Shƍtarƍ Ishinomori. Malheureusement, la mort de celui-ci en 1998 l’empĂȘchera de voir le rĂ©sultat


Un héros pour le peuple

La vidĂ©o la plus populaire sur Kamen Rider Kuuga est issue de son premier Ă©pisode. Point d’action folle, ou de rider kick qui font la cĂ©lĂ©britĂ© de la franchise, mais une scĂšne de dialogue oĂč le protagoniste, Yusuke Godai, assis sur sa moto, dos Ă  l’aĂ©roport de Narita, s’adresse Ă  la camĂ©ra:

Je sais que c’est un peu soudain, mais j’ai un profond respect pour ceux qui sourient face Ă  l’adversitĂ©. A l’ñge de huit ans, je me suis perdu dans le massif de l’Annapurna, au NĂ©pal. L’idĂ©e de mourir lĂ -bas m’a donnĂ© envie de pleurer. Mais mon guide, un garçon d’environ mon Ăąge, m’a souri et m’a dit : “Tout ira bien, ne t’inquiĂšte pas.” C’est cool, non?
― Kamen Rider Kuuga, Ă©pisode 1: Revival

Un hĂ©ros pour ĂȘtre heureux

Tandis qu’il s’approche de l’objectif avec un grand sourire, le plan change et rĂ©vĂšle un enfant en pleurs que notre protagoniste consolera le temps que ses parents le retrouvent. Cette courte sĂ©quence ancrera de maniĂšre dĂ©finitive Yusuke Godai comme le hĂ©ros de la gentillesse, aussi bien auprĂšs des autres personnages (par exemple, contrairement Ă  beaucoup de hĂ©ros masquĂ©s, il n’a aucun problĂšme Ă  divulguer son identitĂ©, ou travailler avec la police), que des spectateurs3.

Jusqu’à la fin, le hĂ©ros ne se dĂ©partira pas de son optimisme, mĂȘme face Ă  des ennemis qui ne sont motivĂ©s ni par le mal ou la conquĂȘte, mais juste le besoin primaire de violence. Jusqu’au dernier combat, Godai gardera son sourire, et surtout, son pouce levĂ©:

Godai Yusuke! Sais-tu ce que ce geste signifie?
Dans la Rome antique, ce geste Ă©tait accordĂ© Ă  ceux qui agissaient de maniĂšre satisfaisante, ou d’une maniĂšre qui Ă©tait approuvĂ©e. Toi aussi, tu devrais devenir un homme Ă  la hauteur de ce symbole.

Je sais que tu es triste depuis la mort de ton pĂšre, mais c’est lors de ces moments difficiles que tu dois ĂȘtre un homme qui se battra pour protĂ©ger le sourire de ta mĂšre et ta soeur. Donne toujours le meilleur de toi-mĂȘme pour protĂ©ger le sourire des autres.

Tu ne trouves pas ça formidable? Moi
je trouve ça formidable. ― Kamen Rider Kuuga, Ă©pisode 12: Teacher

Un héros pour le futur

Si le Kamen Rider original tenait ses pouvoirs de l’ingĂ©nierie nazie, cette fois-ci, c’est la nature qui s’en charge, faisant de lui l’antivirus naturel face aux invasions nĂ©fastes d’un mal prĂ©cĂ©demment enfoui sous terre. C’est un changement assez reprĂ©sentatif du style d’Ishinomori4, mais aussi de la fiction en gĂ©nĂ©ral, qui se trouve plus portĂ©e sur les thĂšmes relevant de la nature et sa protection.

L’autre grand changement, c’est d’ancrer cette sĂ©rie dans la rĂ©alitĂ©: la police dĂ©ploie de la bureaucratie et une force spĂ©ciale pour Ă©pauler Godai dans son combat, et autour de lui gravitent des amis qui l’aient Ă  divers niveaux: enquĂȘter sur le vilain du jour, ou juste lui tenir compagnie et lui rappeler l’innocence de l’humanitĂ©.

En 2025, Kuuga fĂȘtera ses 25 ans. MalgrĂ© son Ăąge, la sĂ©rie n’a pas pris une ride: les effets spĂ©ciaux numĂ©riques et rudimentaires de l’époque passent toujours trĂšs bien Ă  l’écran, et elle a su Ă©viter tous les Ă©cueils que l’on reproche aux sĂ©ries rĂ©centes: elle n’a jamais connu de suite, Joe Odagiri n’a jamais repris son rĂŽle, et surtout, dans un ocĂ©an de productions super-hĂ©roĂŻques cyniques, il est toujours plaisant d’entendre un hĂ©ros simplement pousser son cri de transformation:

ă€Œć€‰èș«Henshin」


  1. NĂ© en 1938 et contemporain de Tezuka, Shƍtarƍ Ishinomori s’inspire des comic-books pour crĂ©er les premiers superhĂ©ros de science-fiction Japonais, notamment les cyborgs. Il est Ă  l’origine des concepts les plus dĂ©veloppĂ©s du genre du tokusatsu: Kamen Rider, les escadrons Super Sentai, et les Metal Heroes. ↩︎

  2. Au Japon, on compte les annĂ©es selon le rĂšgne de l’Empereur. Ainsi, l’ùre Shƍwa a durĂ© de 1926 Ă  1989, et l’ùre Heisei couvrait le “rĂšgne” de l’Empereur Akihito jusqu’à son abdication en 2019. ↩︎

  3. Bien que la franchise Kamen Rider soit habituellement destinĂ©e aux enfants et jeunes ados, les producteurs dĂ©couvrirent que la prĂ©sence de Joe Odagiri en premier rĂŽle attirait aussi une audience non-attendue: les femmes de la trentaine. Ce qui donnera l’effet Odagiri. ↩︎

  4. Sa grande saga manga, Cyborg 009, qui se concentrait initialement sur le combat entre une Ă©quipe de cyborgs et leurs malĂ©fiques crĂ©ateurs (tiens tiens
) se termine sur un combat de ces mĂȘmes cyborgs contre
les anges du panthĂ©on biblique. ↩︎

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