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đŸ“ș Crash Landing On You

J’ai une certaine apprĂ©ciation pour les dramas asiatiques. En gĂ©nĂ©ral, c’est plutĂŽt du bon gros tokusatsu, ou bien des histoires de gros robots, mais ça ne m’empĂȘche pas aussi de me laisser constamment avoir par la promesse d’un grand spectacle, ou par des synopsis plein de mystĂšres que je ne regarde que car j’espĂšre que mon investissement sera rĂ©compensĂ©.

Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. C’est encore plus problĂ©matique quand la maniĂšre dont ces sĂ©ries sont notĂ©es par leur public: entre 9 et 10, parfois un 8 quand la sĂ©rie est vraiment mauvaise. Si bien que j’accumule les dramas dans ma wishlist: “Crimes que je n’ai pas le temps de voir”, “MĂ©dical que je n’ai pas le temps de voir”, “Romance que je n’ai pas le temps de voir”, et “ComĂ©dies que je n’ai pas le temps de voir”.

Ainsi, sur Netflix, alors que je cherchais une sĂ©rie Ă  Ă©couter1, j’ai dĂ©couvert que celle-ci Ă©tait doublĂ©e en Français, ce qui est plutĂŽt rare pour ce type de mĂ©dias, et j’ai dĂ©cidĂ© de lui donner sa chance. Et je ne suis pas déçu du voyage.

Se-Ri Pozzo di Borgo chez les Ch’tis

Comme dans tout drama (et plus encore quand il s’agit d’un K-drama2), l’hĂ©roĂŻne Se-Ri est prĂ©sentĂ©e comme une personne normale (mais trĂšs trĂšs riche) alors qu’elle est Ă  peu prĂšs “mannequin sur dix”, et que dans une autre vie elle porterait plutĂŽt des fringues de grand couturier Ă  un dĂ©filĂ© de la Paris Fashion Week. L’élĂ©ment dĂ©clencheur intervient lorsque son parapente se prend dans une tempĂȘte et la fait atterrir en CorĂ©e du Nord, en plein sur la gueule de Jeong-hyuk, un soldat Nord-CorĂ©en qui passait par lĂ . Lui aussi est “mannequin sur dix”, et s’il n’était pas nĂ© au Nord, il aurait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© recrutĂ© pour ĂȘtre membre de BTS.

A la maniĂšre d’un un film Français, l’hĂ©roĂŻne dĂ©couvre un monde sans eau chaude, avec des coupures d’électricitĂ© rĂ©guliĂšres, du rationnement, l’espionnage par ses voisins, et toutes les joyeusetĂ©s du monde communiste. A la mi-sĂ©rie, l’ambiance change, et les Nord-CorĂ©ens se pointent Ă  SĂ©oul et dĂ©couvrent que dans le monde capitaliste, il existe des machines Ă  cafĂ© qui font du lait chaud sans bouilloire. Comment? En enfermant un homme Ă  l’intĂ©rieur pour qu’il y travaille toute la journĂ©e sans rĂ©pit, c’est ça le capitalisme, quel monde horrible!

Le dĂ©calage entre les deux mondes et les projection que font les personnages de chaque pays sur le mode de vie de l’autre cĂŽtĂ© de la DMZ est une source d’humour folle tout au long de la sĂ©rie, un peu Ă  la maniĂšre de cette page oĂč Tintin et Tchang se moquent des clichĂ©s que les EuropĂ©ens vĂ©hiculent sur les Chinois, avec tout autant de mordant, mais avec en plus une naĂŻvetĂ© trĂšs fraiche et agrĂ©able.

Dépression, amitié, et trolls

La sĂ©rie est ponctuĂ©e par de petits scĂšnes post-gĂ©nĂ©riques qui donnent une prĂ©sentation allongĂ©e de certains Ă©vĂšnements, leur ajoutant parfois quelques secondes “coupĂ©es au montage” et pleines d’humour. Et pourtant dĂšs l’épisode 3, le couperet tombe et rĂ©vĂšle le lourd secret de Se-Ri: elle Ă©tait en Suisse quelques annĂ©es auparavant pour demander une assistance Ă  mourir. C’est un parti-pris vraiment radical pour une sĂ©rie de ce genre, mais en fouillant plus loin dans la sĂ©rie, on dĂ©couvre que cette information n’est pas juste anecdotique, mais une vraie construction du personnage: enfant illĂ©gitime, non dĂ©sirĂ©e, incapable d’aimer ou de se sentir aimĂ©e, sans attaches, et qui se noie dans son business pour remplir le vide dans sa vie. Ce n’est pas une personnalitĂ© que j’ai l’impression d’avoir vu souvent dans les productions du genre, et j’ai vraiment apprĂ©ciĂ© la cohĂ©rence de la construction.

Les personnages de la sĂ©rie et leurs relations font vraiment sa force. MĂȘme si Jeong-hyuk est presque fade dans son comportement, tant il tient du boy-scout, et que certains passages Ă©voquaient en lui un Superman presque aussi bien Ă©crit que par les amĂ©ricains, et bien
ça marche, ça prend, et on l’apprĂ©cie.

Contrairement Ă  Se-Ri qui vit seule et n’a pas d’amis (Ă  part 2-3 employĂ©s qui sont vraiment fans de son style de management), Jeong-hyuk vient avec sa petite brigade militaire. Ca serait trĂšs simple d’en faire quatre comic reliefs sans profondeurs, mais la sĂ©rie prend le temps de les dĂ©velopper, autant dans leur personnalitĂ©, que dans leur approche de la vie au Sud.

La sĂ©quence oĂč l’un d’eux devient accro de jeux en ligne et se dĂ©couvre un nĂ©mĂ©sis en ligne qu’il cherchera Ă  affronter dans la rue est dĂ©jĂ  formidable, mais elle est encore plus forte quelques scĂšnes plus tard lorsque l’on dĂ©couvre que cet adversaire est Jeong-hyuk, les yeux rouges d’avoir passĂ© la journĂ©e Ă  jouer, qui a Ă©tĂ© interdit de sortir par Se-Ri car il a utilisĂ© sa carte bleue pour acheter des objets dans le jeu.

A l’instar de cette scĂšne, ou de celle mentionnĂ©e plus haut sur les machines Ă  cafĂ©, la sĂ©rie distille des tonnes de petites scĂšnes de ce genre entre les personnages, les rendant tous encore plus attachants, et prenant un soin particulier Ă  assurer la continuitĂ© entre ces scĂšnes en Ă©vitant de faire de tous ces traits des infos bazardĂ©es Ă  la va-vite “pour le lol”, les ancrant encore plus dans le rĂ©el.

DualitĂ©s de l’Edelweiss

Malheureusement, la sĂ©rie n’est pas exempte de dĂ©fauts. Parfois, face Ă  la nullitĂ© (assez objective) de certains dramas et la quantitĂ© de 10/10 qu’ils rĂ©coltent en ligne car “Mon acteur/actrice favori(e) joue dedans”, je deviens cynique et Ă  la maniĂšre de Jake Adelstein, je me dis que cette industrie ne marche que parce qu’elle produit de la merde, qu’elle arrive Ă  vendre grĂące Ă  la prĂ©sence de certains noms Ă  l’affiche, et que tout cela n’est que du blanchiment d’argent. Ce n’est PAS le cas de Crash Landing on You, mais la maniĂšre dont deux personnages totalement SECONDAIRES Ă  l’intrigue sont mis en avant dans leur propre intrigue, qui n’a plus aucun rapport avec la principale, me fait me poser la question: est-ce que ce scĂ©nario secondaire a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© uniquement pour donner un rĂŽle Ă  ces deux acteurs, et assurer le succĂšs de la sĂ©rie?

C’est franchement chiant, car tout le reste Ă©tait soit trĂšs bien, soit okay. Autant je peux accepter trĂšs aisĂ©ment tout l’aspect nunuche de l’intrigue principale, autant dans cette intrigue secondaire, qui en plus ne va nul part, j’ai vraiment eu l’impression que la sĂ©rie avait besoin de durer pile seize Ă©pisodes et a meublĂ© comme elle pouvait pour se rallonger inutilement avec deux heures qu’on aurait largement pu dĂ©couper de cette sĂ©rie


A la maniĂšre de son gĂ©nĂ©rique d’intro, la sĂ©rie se termine sur des montages qui rappelleront le clip Bad Day de Daniel Powter, et de jolies images de la Suisse qui vous donneront des idĂ©es pour un futur voyage. Le pĂ©riple n’était pas un chef-d’oeuvre, mais cette version moderne de Tanabata3 Ă©tait trĂšs agrĂ©able Ă  suivre, si bien que je ne sais plus trop si je devrais planifier mes prochaines vacances pour manger du kimchi en CorĂ©e, ou pour cueillir des fleurs en Suisse



  1. Je suis conscient de mon manque d’attention, aussi j’accepte de ne donner qu’une attention partielle Ă  certaines sĂ©ries que je peux me permettre de ne regarder que d’un oeil. ↩︎

  2. Le terme “drama” peut concerner la production Japonaise, ou l’ensemble de la production asiatique, et l’on parlera de J-Drama, K-Drama, C-Drama, et TW-Drama pour des productions respectivement issues des industries Japonaises, CorĂ©ennes (du Sud), Chinoises, et TaĂŻwanaises. ↩︎

  3. Tanabata, aussi connue sous le nom de “Chilseok” en CorĂ©e, ou “Qixi” en Chine (dont elle est originaire) se fĂȘte le 7Ăšme jour du 7Ăšme mois, lorsque les Ă©toiles AltaĂŻr et VĂ©ga se rencontrent dans le ciel, un couple sĂ©parĂ©s mais qui ne peuvent ĂȘtre rĂ©unis qu’un jour par an
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