đ Jump â L'Ăąge d'or du manga
Dragon Ball, Olive et Tom, Ken Le Survivant, Les Chevaliers du Zodiaque ou encore Nicky Larson⊠tous ces dessins animĂ©s qui ont bercĂ© lâenfance de nombreux Français sont nĂ©s dans un magazine japonais devenu lĂ©gendaire : le ShĂŽnen Jump !
EmbauchĂ© dans la rĂ©daction dĂšs 1970, Hiroki GotĂŽ a pris part Ă la naissance de nombreux titres qui façonnĂšrent le manga moderne tel quâon le connaĂźt aujourdâhui.
Devenu rĂ©dacteur en chef du ShĂŽnen Jump durant la fin des annĂ©es 80, pĂ©riode considĂ©rĂ©e par beaucoup comme â lâĂąge dâor du manga â au Japon, il nous livre ici un tĂ©moignage inestimable sur les coulisses du manga, ainsi que les secrets de crĂ©ation dâĆuvres aussi cultes quâinoubliables.
En 2019, la maison dâĂ©diton Kurokawa1 publiait ce livre sur les dessous du Jump, mais prenant en plus le soin dâinviter son auteur Ă la Japan Expo pour une sĂ©ance de dĂ©dicaces. Grand amateur du travail de la maison dâĂ©dition2, jâai profitĂ© de lâĂ©vĂšnement pour mây rendre, obtenir lâouvrage, et le faire dĂ©dicacer. Moins de ans aprĂšs (Ă quelques jours), je pouvais enfin le lire.
Le systĂšme du Jump est le meilleur car câest le nĂŽtre
Câest souvent par ces mots que quâest dĂ©crit le systĂšme dâĂ©dition du Jump. Si beaucoup dâautres magazines ont pu se permettre des fonctionnements diffĂ©rents, nul ne peut nier aujourdâhui que si les histoires (et dessins animĂ©s) tirĂ©es du Jump ont une maniĂšre de tenir leur public en haleine, ou de lui donner envie de revenir chaque semaine, cela tient grandement Ă la maniĂšre dont ceux-ci sont Ă©ditĂ©s.
Dans le monde de la BD franco-belge, gĂ©nĂ©ralement, la maison dâĂ©dition passera une commande pour la publication dâun volume entier (ou plusieurs dâavance pour une sĂ©rie), soit une cinquantaine de pages, en couleur, et contenant (en gĂ©nĂ©ral) une seule histoire, puis, selon les ventes, validera ou non une suite.
Dans le monde du manga, un artiste (aidĂ© de ses assistants) dessine un chapitre de maniĂšre hebdomadaire ou mensuelle, qui est prĂ©-publiĂ© dans un magazine (le Jump a un rythme hebdomadaire), et ces chapitres seront compilĂ©s plus tard (selon le succĂšs) dans un volume reliĂ©. Mais la commande nâest pas passĂ©e âau voulmeâ: chaque semaine, toutes les histoires publiĂ©es dans le Jump (oui, mĂȘme One Piece qui est âpremierâ depuis bientĂŽt 20 ans) remettent en jeu leur titre. Chaque semaine, les lecteurs (et uniquement eux) du magazine rĂ©pondent par sondage pour indiquer leurs sĂ©ries prĂ©fĂ©rĂ©e. Celles qui peinent Ă susciter lâengouement sont vite annulĂ©es, tandis quâon dĂ©roule le tapis rouge pour les stars: couverture du magazine, pages en couleurs, plus de pages,⊠Câest dans ce contexte que chaque chapitre doit accrocher le lecteur, sans temps mort.
Des titres obscurs, au succĂšs internationaux
Dans cet ouvrage, Hiroki GotĂŽ refait la chronologie, Ă la fois de sa propre carriĂšre (dâabord simple Ă©diteur3, jusquâĂ Ă©diteur-en-chef du magazine), des titres du Jump, et rĂ©flĂ©chit aussi Ă lâĂ©volution de la sociĂ©tĂ© Japonaise. Aux premiĂšres oeuvres, Ă lâhumour âpipi-cacaâ, vont bientĂŽt se succĂ©der les rĂ©cits qui ont fait la force du Jump: le dĂ©passement de soi, et non pas la âbagarreâ, qui nâest de toutes façons quâune maniĂšre de vĂ©hiculer les motivations des personnages.
Si beaucoup des oeuvres des annĂ©es 70 restent malheureusement encore inconnues chez nous, les annĂ©es 80 reviennent Ă des oeuvres que nous avons tous connues dans notre enfance, ou que nous redĂ©couvrons aujourdâhui. Pour chacune, Hiroki GotĂŽ prend soin dâĂ la fois de dĂ©crire en quoi elles ont impactĂ© lâindustrie, la sociĂ©tĂ©, ou sa propre perception du medium, afin que mĂȘme sans avoir lu toutes ces sĂ©ries, on puisse comprendre en quoi le Jump a Ă©tĂ© le fer de lance de lâĂ©volution du manga. Sans langue de bois, Hiroki GotĂŽ nâhĂ©site pas Ă reconnaĂźtre que certaines oeuvres sont moins bonnes que dâautres, se refusant Ă tout mettre sur un pied dâĂ©galitĂ©, et avoue aussi trĂšs frontalement ses propres erreurs de jugement (et non, Mitsuru Adachi4 nâa pas popularisĂ© la romance au sein du Jump, et pour cause, il nây a jamais travaillĂ©âŠ). Il dĂ©voile aussi des anecdotes croustillantes, comme cette âsalle de travailâ qui servait de prison aux auteurs ne rendant pas leurs planches Ă tempsâŠ
Du papier au futur
De lâexcitation du tirage du million dâexemplaires, jusquâĂ lâapogĂ©e des six millions des annĂ©es 1990, la rĂ©daction du magazine sâest astreinte aux mĂȘmes conditions que ses auteurs: rien nâest acquis et il faut remettre en question constamment. Ainsi le journal accepte de vieillir avec son lectorat, dâĂ©largir le style dâoeuvres quâil publie,⊠Si chaque annĂ©e revient la question chez certains fans de lâavenir du Jump5, Hiroki GotĂŽ reste confiant: le magazine a passĂ© des caps et des tempĂȘtes, il durera tant que le systĂšme sera appliquĂ©. Alors nous sommes confiants avec luiâŠ
Akira Toriyama, lâautre maĂźtre du manga
Cet article est dédié à Akira Toriyama, qui nous a quittés le 1er Mars 2024.
Lâauteur de Dragon Ball a touchĂ© des millions de personnes Ă travers le monde, et a sĂ»rement influencĂ© le parcours de vie de beaucoup dâentre elles, et jâen fais partie. Bien quâil soit normal que ce livre mentionne beaucoup le maĂźtre, il y est notamment fait mention dâune anecdote Ă propos de la toute premiĂšre photo de couverture du Shonen Jump Ă laquelle celui-ci avait participĂ©.
La mode Ă©tait Ă lâĂ©poque que la couverture du premier numĂ©ro de lâannĂ©e soit une photo de tous les auteurs publiĂ©s Ă ce moment-lĂ vĂȘtus de kimono, afin de souhaiter la bonne annĂ©e aux lecteurs. Sur la couverture du numĂ©ro 5+6 de 1980, en haut Ă droite, reconnaissable Ă ses lunettes et son air jovial: Akira Toriyama bondit afin dâĂȘtre visible sur la photo, cĂ©lĂ©brant au passage la publication dans ce numĂ©ro de Doctor Slump, sa toute premiĂšre oeuvre prĂ©publiĂ©e dans le Shonen JumpâŠ
Le maßtre était lancé.
Ils publient notamment Fullmetal Alchemist, PokĂ©mon La Grande Aventure, Spy X Family, et dâautres titres plus discrets mais de qualitĂ©. ↩︎
Le Jump a plusieurs âĂ©diteursâ qui sâoccupent de seconder les auteurs de mangas dans lâĂ©laboration de leur crĂ©ation. MĂȘme sâils ne sont jamais crĂ©ditĂ©s en tant quâauteur, leur travail et leur force de proposition sont reconnues par tous dans lâindustrie. ↩︎
Mitsuru Adachi est un mangaka cĂ©lĂšbre pour ses mangas mĂ©langeant toujours sport, romance, et drame. Son oeuvre la plus populaire en France, ThĂ©o ou la Batte de la victoire traite dâun triangle amoureux sur fond de baseball. ↩︎
Il est indĂ©niable que la fin de publication de Dragon Ball a marquĂ© la fin de lâapogĂ©e du Jump, mais il serait illusoire de croire quâelle est le seul facteur. Il nâempĂȘche nĂ©anmoins quâĂ chage sĂ©rie populaire qui se termine, la question revient: âSur quelle(s) sĂ©rie(s) le Jump va-t-il reposer dĂ©sormais?â. ↩︎