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📚 EnquĂȘte SecrĂšte

Ma prĂ©cĂ©dente lecture ayant eu une FORTE influence sur moi, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© m’éloigner quelques temps des livres de dĂ©veloppement personnel, et j’avoue que la maniĂšre dont ces livres s’imposent Ă  moi mentalement les rend parfois difficiles Ă  avaler sur un plan mental, ce qui a contribuĂ© Ă  une peur de ne pouvoir atteindre mon objectif de lire trente-six livres cette annĂ©e.

J’ai donc entamĂ© celui-ci lors de ma sĂ©ance de sport, en m’attendant Ă  ĂȘtre confrontĂ© Ă  plus de lĂ©gĂšretĂ©, et j’ai donc terminĂ© le livre en
quatre heures.

Je ne te hais point

Si les polars Japonais que j’ai Ă©voquĂ©s sur ce blog avaient plutĂŽt tendance Ă  mettre en avant un dĂ©tective au coeur d’une enquĂȘte, on suit ici RyĂ»zaki, un fonctionnaire qui ne voit jamais le terrain et mĂȘme ne donne presque aucune envie de l’apprĂ©cier: il est procĂ©durier au possible, rĂ©trograde, se voit comme une partie de l’élite de la nation car il sort de Todai1, laisse sa femme “s’occuper des affaires de la famille”, ne communique pas avec ses enfants,


DĂšs le second chapitre, qu’il aura passĂ© Ă  dĂ©daigner Itami, un camarade de promo qui n’a “pas fait d’universitĂ© d’élite”, et Ă©tait (selon ses souvenirs trĂšs partiels) le meneur de ses souffres-douleurs en primaire, on a envie de le dĂ©tester totalement. Les prochains chapitres, qui ne le montrent sortir de son bureau que pour faire des courbettes dans celui d’un supĂ©rieur, ou rentrer chez lui dĂźner le repas prĂ©fĂ©rĂ© par sa femme, prendre un bain, et dormir, n’aident pas.

MĂȘme lorsqu’enfin l’enquĂȘte avance avec un second, puis un troisiĂšme meurtre, et un suspect qui s’avĂšre ĂȘtre un policier en service, ou qu’il dĂ©couvre que son fils a consommĂ© de la drogue2, il reste dans son bureau Ă  gĂ©rer les retombĂ©es des deux Ă©vĂšnements.

Flic et politique

A un moment, un déclic se produit, sans vraiment se produire.

Le personnage commence par admettre ses fĂȘlures au lecteur, puis, contre toute attente, se confie Ă  son camarade/ennemi, qu’il voit comme son opposĂ© complet, pour lui demander conseil. Celui-ci ne fait pas dans la dentelle:

“Étouffe l’affaire. Ton fils n’a rien dit, personne n’en saura rien.”

A ce moment-lĂ , le livre entier prend un tout nouveau tournant. Le titre me faisait faussement attendre Ă  une enquĂȘte, mais tout cela n’était qu’une faute piste: le vrai propos de ce livre tenait en rĂ©alitĂ© en la vision de la justice. Ainsi, tout comme RyĂ»zaki est conseillĂ© par Itami d’enterrer l’affaire, Itami subit aussi des pressions pour passer sous silence le vrai coupable des meurtres afin de ne pas entacher l’image de la police.

Les dialogues et les Ă©vĂšnements qui s’ensuivent sont trĂšs intĂ©ressants, tous les protagonistes changeant et Ă©voluant, sans pour autant se dĂ©partir de leur personnalitĂ©: RyĂ»zaki reste le mĂȘme commissaire de police impassible et honnĂȘte jusqu’à la faute qui refusera de cacher la rĂ©alitĂ©, sans que cela ne l’empĂȘche de dĂ©velopper l’empathie qui lui manquait, lui permettant de trouver une issue Ă  la situation qui Ă©lĂšvera tout le monde.

Le bon type de personnage

Trop souvent dans la fiction, un personnage Ă  mauvais caractĂšre, ou Ă  la personnalitĂ© difficile, est totalement lissĂ© pour s’entendre avec le reste du cast, ou ĂȘtre acceptĂ© par le spectateur.

Je trouve ce procédé totalement paresseux.

A l’inverse, j’apprĂ©cie lorsqu’un personnage “dĂ©testable” est rendu apprĂ©ciable d’une maniĂšre qui semble totalement en accord avec ses valeurs, comme par exemple, Mick Rory3 qui reste un criminel grognon, ou Ed Baldwin4 qui ne se dĂ©partira jamais de son tempĂ©rament de tĂȘte brulĂ©e.

Ici aussi, RyĂ»zaki, restera droit dans ses bottes et s’accrochera Ă  faire respecter son idĂ©al de justice, mais aussi infimes que soient ses Ă©volutions, les dĂ©celer apportera grand plaisir au lecteur friand de personnages ambigus.


  1. CommunĂ©ment appelĂ©e “Todai” (diminutif de son nom, “Tokyo Daigaku”), l’ UniversitĂ© de Tokyo est considĂ©rĂ©e comme l’universitĂ© d’élite du Japon, l’équivalent en France serait un mix entre Sciences Po et l’ENS. ↩︎

  2. La consommation de drogue est bien plus taboue au Japon qu’en France, mĂȘme ĂȘtre un consommateur “occasionnel” est durement rĂ©primandĂ©. ↩︎

  3. Antagoniste de la sĂ©rie The Flash, Mick “Heatwave” Rory est l’un des personnages principaux de la sĂ©rie Legends of Tomorrow. Grognon, antipathique, le personnage ne trouvera pas forcĂ©ment la douceur, mais saura faire preuve de profondeur. ↩︎

  4. Ed Baldwin, un astronaute de la sĂ©rie For All Mankind, apparaĂźt dans le premier Ă©pisode comme une tĂȘte brĂ»lĂ©e issue de la gĂ©nĂ©ration post-guerre, un trait de personnalitĂ© que la sĂ©rie n’hĂ©sitera pas Ă  critiquer, et le restera au cours des quatre saisons de la sĂ©rie, sans que cela ne l’empĂȘche d’évoluer en tant qu’ĂȘtre humain. ↩︎

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