đș Coeurs Noirs
Il y a des sĂ©ries que lâon trouve gĂ©niales, et puis dâun coup, on nâa plus envie de les regarder. Par exemple, il mâa fallu six semaines pour me motiver Ă regarder la seconde saison.
Et en fait, tout ça, câest la faute de Bob Dylan!
Knocking on Heavenâs Door
Dans la premiĂšre saison, on dĂ©couvre cette unitĂ© militaire envoyĂ©e Ă Mossoul, et qui gĂšre lâexfiltration de sources, ou la rĂ©cupĂ©ration de djihadistes français sur place. DĂšs le dĂ©but, le ton est donnĂ©: on est dans le rĂ©aliste. Les dĂ©placements sont foireux, Ă travers des ruines, il faut composer avec les forces alliĂ©es en prĂ©sence et les locaux, les engagements sont poisseux et chaotiques et on ne sâen tire que grĂące Ă lâentrainement rigoureux de lâĂ©quipe,⊠Franchement ça fait plaisir, et pour quelquâun qui apprĂ©cie (merci Hideo Kojima!) les fictions Ă background militaire qui invitent Ă dĂ©couvrir ce milieu siâŠĂ©trange (plus encore pour un pays en paix), voir des acteurs agir comme de vrais membres des forces spĂ©ciales, ça fait du bien, et chaque dĂ©tail est un petit plaisir: respect de la trigger discipline1, ça communique, ça se dĂ©place, ça se couvre, ça sâamuse pas Ă se jeter dans la bagarre en tirant dans tous les sens,âŠ
Bref, câest bien fait, ça se sent, et parfois jâai lâimpression de voir Kojima (toujours lui!) mater des opĂ©rateurs de forces spĂ©ciales en entrainement dans le making-off de Metal Gear Solid 2. Et puis, il y la scĂšne qui gĂąche tout: celle oĂč lâĂ©quipe laisse la sniper seule pendant quâil vont se taper lâinfiltration dâun village. Dans le monde rĂ©el, un sniper est accompagnĂ© dâun âspotterâ, qui va lui servir dâappui, et de protection. Dans la sĂ©rie, elle part seule, se fait remarquer par un berger, et pendant que sa team se barre avec la source, elle se fait capturer en slo-mo sur une reprise âchoeurâ de Knockinâ on Heavenâs Door. Câest le pire des mauvais goĂ»ts, et cette minute me glace encore de cringe rien que dây repenser.
Génération Tue
Donc, la saison 2, jâhĂ©sitais.
Et puis je mây suis mis. La saison 2 suit Ă peu prĂšs la mĂȘme trame, avec toujours ce mix militaro-politique trĂšs bien Ă©quilibrĂ©. JusquâĂ ce que lâunitĂ© dĂ©ploie un drone qui tenait sur une main, qui a menĂ© Ă une conversation lunaire avec ChatGPT lorsque je lui ai demandĂ© son avis sur la faisabilitĂ© dâune telle approche. RĂ©ponse, oui. RĂ©ponse avancĂ©e: âA lâimage, câest un Ryze Tello, il est pas capable dâen faire autant, mais un drone militaire fera la mĂȘme taille et en sera capableâ. Oh.
Jâai dĂ©cidĂ© de suivre le reste de la sĂ©rie avec un ChatGTP dâouvert Ă qui je commentais certains points qui mâintĂ©ressaient. Si malheureusement ils font ENCORE le coup de laisser le sniper seul sur son perchoir dĂšs la premiĂšre mission, la sĂ©rie garde des moments de rĂ©alisme militaires que lâon voit rarement. A peu prĂšs dans lâordre: dĂ©charger lâarme dâun combattant mort et la rĂ©cupĂ©rer pour analyses, les Irakiens et les Français qui se tapent des checks, le positionnement des deux armĂ©es (les Irakiens en âforce de contrĂŽle de zoneâ, tandis que les Français font lâapproche chirurgicale), le mec de la DGSE est autorisĂ© Ă porter une arme de poing sur base, il y a des discussions sur lâutilisation ou non dâunitĂ©s canines selon le type dâintervention, sĂ©paration dâinterventions lors dâun Ă©change dâotages (une Ă©quipe fait lâĂ©change, une autre a Ă©tĂ© parachutĂ©e plus tĂŽt, a enterrĂ© ses parachutes, et attends sous du camouflage), la âporositĂ©â de la ligne de front, le chien qui vĂ©rifie la prĂ©sence dâexplosifs dans une maison lors dâune exfiltration,âŠ
Et puis, comme quand Kojima2 sort des technos qui ont lâair folles mais sont bien rĂ©elles, jâai pu dĂ©couvrir le âArrow EZâ, un dispositif mĂ©dical qui fait un bruit de perceuses pour faire des injections intra-osseuses, ce qui sâavĂšre ĂȘtre pratique lorsque lâon ne trouve pas la veine au milieu dâun champ de bataille, et le pansement israĂ©lien qui nâest apparu quâune seconde Ă lâĂ©cran, mais Ă©tait totalement reconnaissable sur Google Images, et mĂȘme le Recycleur qui permet apparemment de marcher dans lâeau pendant deux heures, vĂȘtu de son barda, pour approcher sans se faire voir.
Tout va trĂšs bien, madame la marquise
En fait, au-delĂ des inexactitudes qui Ă©taient lĂ pour crĂ©er du drama (parfois cheap), je crois que ce qui mâa le plus fait chier, ça a Ă©tĂ© le cast. Ils sont pas mĂ©chants, ils sont mĂȘme trĂšs sympas, ils ont tous leur personnalitĂ©, et loin de moi lâidĂ©e de nier la rĂ©alitĂ© du stress post-traumatique, mais ça câĂ©tait juste trop. DĂ©jĂ dans la premiĂšre saison, un perso se merdait sur une manoeuvre en opĂ©ration et envoyait un collĂšgue Ă lâhĂŽpital, et câĂ©tait traitĂ© avec le trope habituel du âmilitaire macho ne parle pasâ, mais alors là ça nâarrĂȘte pas: moi ma femme me quitte, moi jâarrive pas Ă dĂ©crocher et je pense Ă notre collĂšgue prisonniĂšre au lieu de profiter de mon fils, moi je vois une psy random trouvĂ©e en ligne,⊠Au bout dâun moment ça fait penser Ă ces sĂ©ries qui ont besoin dâinventer un passĂ© tragique Ă tout le monde pour justifier leur existence, comme si personne ne pouvait accepter un certain degrĂ© de bien-ĂȘtre sans avoir Ă forcĂ©ment tomber dans cet espĂšce de marasme infernal⊠Vous ne pouvez pas imaginer mon soulagement lorsque les personnages ont dĂ©samorcĂ© toute cette fausse tension avec un âBon les mecs, jogging sur base, et Ă la fin vous allez tout lĂącherâ. Ca prend alors une approche de âLa vie câest des hauts et des bas, mais faut en parler Ă ses prochesâ, et ça dĂ©samorce tout.
Preuve ultime que tout ce drama nâĂ©tait pas utile Ă la sĂ©rie? Elle ne prend mĂȘme pas le soin de terminer ces storylines. On peut Ă peu prĂšs deviner ce qui va se passer aprĂšs le dĂ©filement des crĂ©dits du dernier Ă©pisode, mais je pense trĂšs franchement que la sĂ©rie nâen a rien Ă foutre, et que ces âdĂ©tailsâ ne sont vraiment lĂ que pour le drama et la schock value. Heureusement, au milieu de ça, il reste une fiction militaro-politique trĂšs prenante, qui aurait trĂšs bien Ă©tĂ© Ă sa place en parallĂšle de Le Bureau des LĂ©gendes.
Une des premiĂšre rĂšgles de sĂ©curitĂ© des armes Ă feu: on ne laisse pas son doigt sur la gĂąchette! ↩︎