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đŸ“ș Cobra Kai

Je me souviens d’un Ă©pisode de South Park dans lequel les gamins de la ville du Colorado appellent Netflix afin de leur proposer une idĂ©e totalement dĂ©bile, qui Ă©tait promptement acceptĂ©e et financĂ©e par la chaine. La parodie n’est pas loin de la rĂ©alitĂ©, tant la chaine a une direction qui semble souvent consister Ă  jeter n’importe quoi sur le mur et voir ce qui restera.

Malheureusement, la chose qui a le plus de chances de coller Ă  un mur, en gĂ©nĂ©ral, c’est la merde. Heureusement, Cobra Kai n’en est pas. Pas totalement en tous cas.

Force et sagesse

Se dĂ©roulant trente-cinq ans aprĂšs film original1, la sĂ©rie prend le parti pris assez intrigant (mais populaire en ligne) de voir Johnny, l’antagoniste du film, comme un personnage noble et lĂ©sĂ© par la duplicitĂ© du personnage principal, Daniel2, et d’en faire le personnage principal. L’idĂ©e pourrait sembler touchy dans les annĂ©es 2020, tant le personnage Ă©tait dĂ©jĂ  un bully dans l’original3, et ce n’est plus le genre de comportements qu’une oeuvre de fiction ne peut plus vraiment mettre en avant aujourd’hui.

Pourtant, voir ces deux adultes de 40 ans, l’un bien installĂ© dans sa vie et sa famille, et l’autre totalement paumĂ©, se remettre sur la gueule (mĂ©taphoriquement) pour raviver une vieille brouille d’adolescents a quelque chose de totalement rĂ©gressif et plaisant Ă  voir, tant ils sont tous deux moquĂ©s Ă  hauteur Ă©gale pour leur obstination Ă  suivre chacun leur vision manichĂ©enne des choses.

Ventre mou

Une fois ce conflit initial établi, Johnny devient professeur de karaté pour les jeunes du coin, des nerds locaux, gros et boutonneux, à qui il apportera ce qui peut lui faire office de qualité: sa force et sa confiance en lui. Pour y faire face, Daniel ouvrira son propre dojo, pour répandre les enseignements pacifiques de son propre sensei, Mr. Miyagi.

La prĂ©sence de ces jeunes, trimballĂ©s entre deux Ă©coles diffĂ©rentes du karatĂ© (et bientĂŽt trois, et quatre,
, toutes ouvertes par d’anciens adversaires de Daniel3) deviendra malheureusement une espĂšce d’argument de vente pour Netflix, et le conflit principal de la sĂ©rie sera vite remplacĂ© par plusieurs saynĂštes adolescentes dignes de Marivaux, la moitiĂ© du pitch devenant une mauvaise rom-com’ qui ne se suit que pour savoir qui sort avec qui, tandis que la prĂ©sence de ces adolescents devait au dĂ©part signifier l’évolution de du personnage Ă©goĂŻste de Johnny pour en faire une personne capable de s’impliquer pour autre que lui.

Lorsque la sĂ©rie s’approche de sa fin, les camĂ©os d’anciens personnages de la franchise3 cessent enfin d’ĂȘtre des arguments marketing, pour servir proprement le scĂ©nario. Une de mes scĂšnes prĂ©fĂ©rĂ©es est lorsque Ali, le love interest (et “objet de la discorde”) des deux garçons dans le premier film revient pour le temps d’un triple date, avec les nouvelles compagnes de ses deux ex. Sans jamais moquer le sport ni la passion qui anime le duo, la sĂ©rie prend enfin du recul, et les trois femmes rigolent de concert du sĂ©rieux avec lesquels ces deux hommes sont capables de s’emporter l’un contre l’autre pour la moindre raison, un schĂ©ma dont la sĂ©rie n’hĂ©sitera pas Ă  abuser histoire de durer une saison ou deux de plus.

Tigre et dragon

La sĂ©rie ne redeviendra intĂ©ressante lorsque les deux protagonistes accepteront de mettre leur Ă©go de cĂŽtĂ© pour enfin Ă  s’écouter et combiner leurs forces respectives. Tandis que Daniel apprend Ă  Johnny sa doctrine de “No be there” (littĂ©ralement: “ne sois pas là”, dans le sens de ne pas se trouver en position de conflit), ce dernier lui apprend Ă  “Strike first” (littĂ©ralement: “frappe le premier”) en le laissant seul au milieu de gros bras qu’il vient de provoquer. Une fois Daniel sorti de cette embuscade aprĂšs avoir assommĂ© les hommes provoquĂ©s, il interroge Johnny sur son absence au combat: “Me no be there” (littĂ©ralement “moi j’étais pas là”).

Une fois ces leçons partagĂ©es, les personnages prennent enfin le charme qu’on leur cherchait et trouvent l’évolution nĂ©cessaire Ă  ce truc qu’on appelle un scĂ©nario. Comme le disait Miyagi-sensei, la rĂ©ponse n’est pas dans le combat, mais en soi: ainsi, les deux personnages arrivent Ă  trouver un Ă©quilibre qui leur convient, arrivant Ă  faire passer les besoins et la vision des autres avant la leur, acceptant que chaque personne a son propre Ă©quilibre Ă  trouver, et que peu importe l’école de KaratĂ©, l’enseignement ne doit ĂȘtre qu’un encouragement dans la voie que celle-ci a choisie.


  1. Le premier film Karate Kid date de 1984. ↩︎

  2. Dans la sĂ©rie How I Met Your Mother, le personnage de Barney Stinson promeut plusieurs fois cette vision du film. ↩︎

  3. Tous les adversaires des trois premiers films reviennent Ă  un moment ou un autre. ↩︎ ↩︎2 ↩︎3

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