đ The Killer Inside
Il ne vous aura pas Ă©chappĂ© que je suis trĂšs friand de mystĂšres, de thrillers, de polars,âŠ
Malheureusement, jâai parfois lâimpression que si ce genre dâhistoires me convient toujours en films, et depuis peu en livres, elles ne conviennent pas au mĂ©dia du manga, qui obĂ©it Ă des rĂšgles dâĂ©dition et de publication assez spĂ©cifiques, selon le journal qui les publie. Et câest le cas iciâŠ
Moi, Ă©mois, et moi et moi et moiâŠ
Le jeune Eiji est un lycĂ©en sans histoires, qui se rĂ©veille un matinâŠĂ nouveau sans histoires. LittĂ©ralement: Il semblerait que les derniers jours ont disparu de sa mĂ©moire. Comme dâhabitude pour le genre, il sâavĂšre quâune seconde personnalitĂ© sommeille en lui, et quâelle a toute le bagout qui manquait Ă lâoriginal, faisant de lui un sĂ©ducteur sĂ»r de lui, capable dâĂ©taler des loubards, et de traĂźner en compagnie de mafieux qui trempent dans dâĂ©tranges affaires de prostitution, qui sont eux trĂšs intĂ©ressĂ©s Ă lâidĂ©e dâĂȘtre potes avecâŠle fils dâun serial killer qui sâest immolĂ© par le feu il y a douze ans. Ah oui, rien que ça.
Le premier arc distille horreur1 et mystĂšre, laissant allĂšgrement planer le mystĂšre sur lâalignement de cette personnalitĂ© alternative, mais le voile sera vite levĂ©: si lâalter-Ă©go (surnommĂ© âB1â) est un anti-hĂ©ros peu sympathique, il nâest pas un meurtrier et ne cherche quâĂ faire la lumiĂšre sur le vĂ©ritable tueur, qui a tuĂ© son pĂšre et lui a fait endosser les meurtres.
Le manga jouera sur ces deux personnalitĂ©s trĂšs distinctes, ainsi que leurs maniĂšres dâutiliser leurs proches pour faire avancer lâenquĂȘte, dâune maniĂšre somme toute assez satisfaisante.
Le mystĂšre le plus long
Je ne sais pas si le sujet ou le thĂšme a dĂ©jĂ Ă©tĂ© âcartographiĂ©â, mais en soi, tout mystĂšre correspond Ă une enquĂȘte et une rĂ©solution, peu importe le nombre dâĂ©tapes pour arriver Ă la rĂ©ponse.
Par exemple, dans Seizon LifE de Nobuyuki Fukumoto et Kaiji Kawaguchi, un manga de trois volumes oĂč un pĂšre atteint dâun cancer cherche Ă Ă©lucider le mystĂšre du meurtre de sa fille avant que le crime ne soit prescrit, Ă la maniĂšre dâune enquĂȘte de Ace Attorney, la premiĂšre moitiĂ© correspond Ă lâenquĂȘte pour trouver les indices, tandis que la seconde permet une confrontation avec le coupable, tout lâenjeu revenant Ă la maniĂšre dont le protagoniste parviendra Ă employer les indices pour confondre la culpabilitĂ© du coupable. Câest un rythme parfait. Dommage que tout le monde nây arrive pas.
Donc, onze volumes pour The Killer Inside. Presque quatre fois plus, ce qui correspond Ă peu prĂšs au nombre de fois que lâenquĂȘte subit un nouvel arc narratif oĂč un personnage, Ă peine introduit par lâauteur dans les chapitres dâintroduction, sort de la salle dâattente pour, sans raison, se placer en opposition Ă la quĂȘte de Eiji. Dans lâordre donc, et tant pis pour les spoilers: les mafieux, sa copine, les flics qui ont enquĂȘtĂ© sur son pĂšre il y a douze ans, et sa soeur. Avant dâenfin dĂ©busquer le vĂ©ritable tueur, qui ne fera pas perdre de temps au lecteur, et remplira tous les trous du scĂ©nario. NâespĂ©rez pas non plus dâenquĂȘte dâailleurs: sâil existe des pseudos-indices qui pourraient mener Ă penser âOh, ce personnage est suspect!â, le lecteur dĂ©couvrira la rĂ©solution de chaque arc lorsque Eiji affrontera chaque ennemiâŠ
Personnellement, câest au troisiĂšme que ça mâa cassĂ© les couilles. Si la culpabilitĂ© de lâun des flics chargĂ©s de lâenquĂȘte aurait pu ĂȘtre un point intĂ©ressant, lâidĂ©e est Ă peine transformĂ©e enâŠ.deux flics prĂȘts Ă zigouiller un ado pour masquer une enquĂȘte bĂąclĂ©e. Lâarc sert donc juste Ă dĂ©router lâintrigue, et nâapporte rien Ă lâenquĂȘte, si ce nâest deux cadavres de plus. Vraiment: rien. Rien de rien. Et ne rien raconter est le pire pĂ©chĂ© dâune histoireâŠ
Trop long, trop con
Il y a quelques mois, jâavais dĂ©cidĂ© de rattraper en cours de route le manga My Home Hero. Si le manga commence sur un pitch high concept qui tient la route (un pĂšre de famille tue le petit copain abusif -et fils de mafieux- de sa fille, et doit planquer le cadavre), non seulement tout le jeu de âIls me soupçonnent, je sors un bobardâ devient vite ennuyeux (et peu crĂ©dible quant Ă la patience des yakuzas), mais en plus, Ă mi-parcours, un nouvel ennemi se rĂ©vĂšle: vous nâimaginiez pas que la femme du hĂ©ros Ă©tait lâhĂ©ritiĂšre dâune secte qui voulait la rĂ©cupĂ©rer?
MĂȘme si tous les mangas ne suivent pas les rĂšgles de publication du Jump, on sâen rapproche assez, et le niveau de succĂšs peut forcer un auteur Ă raccourcir une histoireâŠou Ă lâallonger, rendant certaines intrigues caduques.
Toutefois, lâĂ©ditorial nâest pas le seul coupable du malaise face aux problĂšmes de rythmes. Par exemple, Route End dure huit volumes, nâa quâune seule intrigue, et nâa pas spĂ©cialement lâair rallongĂ©, mais une fois terminĂ©âŠune impression Ă©trange se fait ressentir: on a passĂ© assez de temps avec les personnages pour sâhabituer Ă les suivre Ă la maniĂšre dont on suivrait un enquĂȘteur rĂ©current, comme Sherlock Holmes ou DĂ©tective Conan, mais lâenquĂȘte est trop proche des personnages pour quâils puissent vouloir remettre le couvert. Donc, rien ne colle, et lâon en sort le cul entre deux chaises.
On dit souvent que le chemin importe plus que la destination, mais là , le chemin était vraiment inutile: le boss final attendait déjà dans le salon.
Le lecteur aura droit Ă diverses tortures fournissant des cadavres trĂšs artistiques. ↩︎