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📚 Le Loup d’Hiroshima

Si elle apprĂ©cie les Ɠuvres de Maurice Leblanc ou d’Agatha Christie, sa prĂ©fĂ©rence va nĂ©anmoins Ă  Conan Doyle : « Dans Sherlock Holmes, plus que la rĂ©solution de l’énigme, c’est la relation entre Holmes et le docteur Watson qui m’interpelle »
― Page WikipĂ©dia de YĆ«ko Yuzuki

Cela ne m’étonne pas le moins du monde.

Retour Ă  Hiroshima

Il y a peu, l’auteur du manga NINE PEAKS1 expliquait pourquoi son manga se dĂ©roulait dans le passĂ©: toute la violence des gangs adolescents, et mĂȘme du monde yakuza, tout cela n’existe plus aujourd’hui, une analyse dont Jake Adelstein se fait le tĂ©moin dans ses ouvrages. Ainsi, lĂ  encore, le livre n’ayant mĂȘme pas dix ans, son rĂ©cit en a dĂ©jĂ  le triple, ce qui en soit, n’est pas pour me dĂ©plaire, tant l’ambiance particuliĂšre qui se dĂ©gage de ce monde est fĂ©conde d’histoires palpitantes.

Hiroshima, 1988, 40 annĂ©es sont passĂ©es, mais le spectre de la bombe hante toujours les protagonistes, tandis qu’une Ă©niĂšme guerre de gangs s’apprĂȘte Ă  Ă©clater. DĂšs le dĂ©part, je ne peux m’empĂȘcher d’y voir un lien: les yakuzas ont eu leur heure de gloire en aidant Ă  la reconstruction dans la pĂ©riode d’aprĂšs-guerre, et Hiroshima a Ă©tĂ© la zone qui a le plus eu besoin de cette aide. Au commissariat, le commandant Ogami se retrouve affublĂ© d’Hioka, un bleu qui n’a jamais eu maille Ă  faire avec le crime organisĂ©, et dĂ©jĂ , vous sentez probablement que vous connaissez cette histoire. Disons que vous n’avez qu’à moitiĂ© raison.

Twist again

De tous les polars Japonais que j’ai lus rĂ©cemment, j’ai l’impression que la notion d’enquĂȘte fait dĂ©faut et que les choses avancent juste car “elles avancent”: trĂšs peu des dĂ©tectives que j’ai chroniquĂ©s ici n’ont su m’épater par leur sagacitĂ©, et si ce n’est la capacitĂ© d’Ogami Ă  faire cracher des aveux, ou Ă  dĂ©duire qu’un type disparu depuis trois mois a probablement Ă©tĂ© dĂ©coupĂ© en morceaux, il en va de mĂȘme ici. On en revient alors au fondamental d’un polar: son ambiance.

En plus d’Hiroshima et de sa chaleur estivale, les personnages. Les trois plus importants ont chacun un secret, pourtant devinable (ou prĂ©visible) trĂšs tĂŽt, tant les indices sont larguĂ©s, et le lecteur minutieux sera encore plus Ă©tonnĂ© de voir avec quelle simplicitĂ© ceux-ci ont Ă©tĂ© posĂ©s et rĂ©pĂ©tĂ©s au lecteur, sans que celui-ci ne se doute de rien.

Ainsi, Ogami est un dur Ă  cuire qui va transmettre son art Ă  un jeune candide, Hioka le candide cache un secret lourd de trahison, et Akiko, la Mama-san2 de leur bar favori, est plus liĂ©e Ă  l’intrigue qu’il n’y paraĂźt. Autour de ce trio gravitent des yakuzas de tous niveaux, tous trĂšs au fait des agissements de la police, et toujours dĂ©crits avec une certaine bienveillance, selon leur allegiance et leurs rapports avec Ogami.

La suite

Lorsque l’épilogue fait Ă©cho au prologue, on sourit de voir que l’autrice a su nous mener par le bout du nez, en enfouissant certains Ă©lĂ©ments dans notre mĂ©moire pour les faire ressortir au bon moment pour que le lecteur s’exclame “Mais bien sĂ»r!” Ă  plus d’une reprise.

Le succÚs de ce libre mÚnera vite à deux suites, en 2017 et 2020, dont seule la premiÚre fût publiée en Français par Atelier Akatombo.


  1. Le manga NINE PEAKS, Ă©ditĂ© en France par Ki-oon, commence Ă  l’époque contemporaine, et dĂšs le premier chapitre, bazarde le protagoniste trente ans dans le passĂ©, oĂč se dĂ©roule le principal de son intrigue. ↩︎

  2. Une Mama-san est le nom familier donnĂ© Ă  la responsable d’un Ă©tablissement, gĂ©nĂ©ralement peu respectable. ↩︎

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