📚 Eugenia

Depuis l’aube, la chaleur accable cette ville de bord de mer oĂč un typhon est annoncĂ©. Pourtant, rien ne dĂ©courage les Aosawa. Ces notables, propriĂ©taires d’une clinique, organisent une grande fĂȘte d’anniversaire dans leur magnifique villa. La rĂ©ception vire Ă  la tragĂ©die lorsque dix-sept personnes meurent empoisonnĂ©es au cyanure. La jeune Hisako a assistĂ© impuissante Ă  la mort des siens. Mais il lui est impossible de tĂ©moigner : elle est aveugle. La police doit se contenter d’un Ă©trange poĂšme abandonnĂ© sur les lieux. Des annĂ©es plus tard, le mystĂšre reste entier tandis que l’affaire continue de hanter les esprits. Avant que le temps n’efface tout, l’histoire sera narrĂ©e une nouvelle fois par plusieurs voix, discordantes, voire mensongĂšres. Celles des tĂ©moins, des proches des victimes, des voisins et des enquĂȘteurs.
― Atelier Akatombo, rĂ©sumĂ© du livre

AprĂšs avoir Ă©puisĂ© les polars de chez Atelier Akatombo, cette fois-ci, juste du noir. Le genre, la couleur, et la vision au milieu de cette enquĂȘte.

Tout le monde en parle

Quatorze chapitres, et presque autant de narrateurs. A la maniĂšre d’autres lectures rĂ©centes, ce livre joue avec la multiplicitĂ© des points de vue pour traiter d’une histoire unique, ce qui lui donne une saveur particuliĂšre assez similaire Ă  celle que j’ai trouvĂ©e dans les lectures sus-citĂ©es: cette impression d’avoir une histoire en kit dont il faut identifier chaque personnage et voir comment il va se relier aux autres. Et bien sur, il y a des personnages prenants, d’autres peu intĂ©ressants, certains rĂ©pĂštent des Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ  entendus, et certains ne vont mĂȘme rien apprendre de nouveau au lecteur. J’avoue sans honte avoir feuilletĂ© certains chapitres en diagonale car leur intĂ©rĂȘt ne m’apparaissait pas primordial.

Mais face Ă  cet Ă©cueil de “tout est-il intĂ©ressant?”, je ne peux que saluer le travail de l’autrice, qui arrive Ă  mĂȘler toutes ces voix dans une cacophonie qui reste totalement ordonnĂ©e, distillant des informations de ça et de lĂ , avec, je soupçonne, un plaisir non dissimulĂ© de sa part lorsqu’elle peut balancer une rĂ©vĂ©lation sur le destin d’un personnage, mais en traitant l’information avec la lĂ©gĂšretĂ© d’une personne qui s’en fout. Le livre a clairement un ventre mou lorsque l’on s’attarde sur des histoires qui ne servent qu’à broder le paysage et paraissent assez lointaines Ă  l’enquĂȘte, mais lorsque l’on revient sur l’affaire, le rythme ne s’arrĂȘte plus et je n’ai pas rĂ©ussi Ă  lĂącher le livre avant la derniĂšre page.

La voix tue

La seule voix que l’on n’entendra pas, c’est celle d’Hisako, Ă  la fois seule “tĂ©moin” du meurtre, et coupable prĂ©sumĂ©e. C’est d’autant plus ironique qu’elle est plusieurs fois qualifiĂ©e comme “la voix” qui a commanditĂ© le drame. Lorsqu’enfin elle prend la peine de s’exprimer, c’est pour parler de silence, d’invisibilitĂ©,
 Un message abstrait lorsqu’on le lit, mais qui prend un autre sens lorsque l’on referme le livre.

Ou peut-ĂȘtre est-ce une interprĂ©tation simpliste de ma part? Le livre n’étant narrĂ© que par des personnages Ă  la vision Ă©triquĂ©e de l’affaire, il conserve une part de mystĂšre non nĂ©gligeable, qui m’aurait frustrĂ© plus que de raison si le talent de l’autrice ne conviait pas Ă  l’admiration.

Une lecture Ă  ne commencer que si vous acceptez de rester aveugle, donc.

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